L’affaire Ndella Madior édifie à bien des égards sur l’hypocrisie qui gangrène notre société. Elle renseigne aussi sur le niveau de laxisme de certains de nos corps d’État qui n’ont cure de leurs missions. Ndella Madior DIOUF est une femme atypique c’est vrai. Personnage haut en couleurs qui ne passe pas inaperçu tant pour sa verve, son look que ses initiatives (entrepreneuriales, politiques ou sociales).
Cette dame a une vie bien remplie. Son originalité fait qu’elle est un bon client pour les médias qui se plaisent en sa compagnie, tant pour son franc parler que pour sa dégaine. C’est cette candidate souvent déclarée à la présidentielle et connue de tous qui a soudainement abandonné tous ses fantasmes pour initier la pouponnière au nom si évocateur : KEUR YEURMANDÉ est lancée, annonce-t-elle, pour lutter contre les infanticides (fréquents), les grossesses non désirées et accouchements clandestins etc.
De prime abord, le geste est on ne peut plus noble. Ndella tenait sa pouponnière dans une bâtisse de 5 étages, installée, ni en rase campagne, ni en brousse, mais en plein cœur de Dakar, dans le quartier huppé de Sacré Cœur. Avant, le site abritait aussi sa radio Saphir Fm, spécialisée dans la voyance et les faits de société. Sacré Cœur est bien sûr l’un des quartiers de luxure et de finesse de la capitale où se côtoient une certaine classe de privilégiés, des entreprises et ou résident des décideurs de tous bords. Tout ceci pour dire que Ndella ne se cachait pas du tout. Mieux, elle faisait baptiser « ses bébés » par un imam. Elle leur donnait souvent le nom d’une personnalité connue de tous. Ses cérémonies étaient largement partagées par ses équipes sur les réseaux sociaux et constituaient une sorte de mercatique à la fois relationnelle et virale.
Ce rituel donnait de la visibilité à son activité et servait à titiller l’empathie et la générosité des parrains qui par leurs dons divers, participaient à l’entretien de leur filleul, et donc de la pouponnière. Non, Ndella ne se cachait pas. Elle exhibait quotidiennement ses bouts de chou tels des trophées de guerre sur les réseaux sociaux. Facebook, YouTube etc .. pullulent de ses lives qui montrent maman Ndella aux petits soins, cajolant, bichonnant ses petits anges. On raconte même qu’elle aimait s’endormir entourée de la marmaille.
Aujourd’hui, c’est Ndella qui est traînée dans la boue, empalée et conduit à l’échafaud. La clameur populaire la poursuit. La vindicte est mise en marche contre elle, dès lors, semble-t-il, que l’irréparable s’est produit avec le décès fort regrettable de 6 bébés dans des circonstances non encore élucidées. Je rappelle qu’elle se targuait publiquement d’en avoir recueilli une cinquantaine.
Alors, ma question est celle-ci. Pendant tout ce temps là, où étaient les autorités ? Où étaient donc les services dédiés à l’enfance dans ce pays ? Où était le ministère de la femme et de la famille ? La direction de la protection de l’enfance et toute la panoplie d’organisations de défense des droits des enfants et tutti quanti, qu’elles relèvent de l’Etat ou même de la société civile ? Où étaient donc ceux qui sont payés grassement pour faire ce qu’elle a tenté de faire sous leur nez, semble-t-il sans autorisation, pendant que eux se tournaient les pouces ? Où étaient tous les corps de sécurité publique dans ce pays ? Où était le maire du lieu d’implantation de la pouponnière ? Où étaient tous nos compatriotes qui s’indignent là aujourd’hui en jetant l’opprobre sur elle et s’offusquant à tort ou à raison ?
Je rappelle que récemment, nous avons vécu l’épisode d’un bébé embarqué dans une machine à laver à l’hôpital Abass NDAO, je ne remonte pas jusqu’aux 11 bébés calcinés, cramés à l’hôpital de Tivaouane et il en reste. Aurions nous un problème avec la sacralité de la vie ? Ne détournons pas le regard, assumons chacun notre part de responsabilité dans cette affaire qui cache ou en éveille bien d’autres sur lesquelles, comme à notre habitude, nous fermons les yeux.
Tous coupables
Notre société est malade, malade de son hypocrisie, de son légendaire laisser aller et de ses sautes émotionnelles et circonstancielles. Nous l’avons vécu avec le Joola et toutes sortes d’autres catastrophes. Au passage, que faisons nous pour sortir les enfants talibés de la rue ? Ceux là galeux, et en guenilles, vadrouillant au grès de leurs pieds nus, visages rabougris, émaciés et tristes, portant les stigmates de l’abandon parental et d’une société honteusement coupable et repue du fallacieux prétexte de l’initiation coranique dont nous tous savons que ce n’est pas vrai. Société malade, âmes sacrifiées.
Babacar NDIAYE
Communicant, conseiller
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