DECLARATION DU GOUVERNEMENT SUR LA STUATION ECONOMIQUE DU SENEGAL

*La Déclaration Gouvernementale du 26 Septembre 2024 : « Entre Panacée et Chaos, L’Illusion Apocalyptique face aux Vertus de la Transparence »*

 

Par Pr Daouda THIAM, Economiste-Chercheur

 

Il est écœurant, sinon pathétique, de constater comment certains Sénégalais s’aventurent sur un terrain qu’ils ne maîtrisent guère, surtout quand il s’agit d’une question aussi délicate et technique que les finances publiques dans une république aussi sérieuse que le Sénégal ! Il est fascinant de constater à quel point l’ignorance persiste avec une détermination inébranlable, comme si la vérité n’était qu’un obstacle gênant à leur confort pseudo-intellectuel, le tout sans qu’aucune voix de raison, ou presque, ne vienne troubler leur paisible errance dans l’illusion.

Il va sans dire que les nouvelles autorités sénégalaises ont fait preuve d’un courage que l’on pourrait presque qualifier de téméraire en choisissant de révéler, avec une désarmante franchise, la véritable profondeur de l’abîme financier dans lequel le pays semble s’être enfoncé. Un déficit budgétaire de 10,4 % au lieu des 5,5 % triomphalement annoncés entre 2019 et 2023 , et une dette publique atteignant 83 % du PIB, contre les 73 % astucieusement enjolivés par le régime précédent. Une manipulation des chiffres en totale infraction avec la sacro-sainte loi n° 2012-22 du 27 décembre 2012, ce fameux Code de Transparence dans la Gestion des Finances Publiques, qui, à la section 2.3, impose au gouvernement la divulgation de détails précis sur l’endettement et ses engagements. Mais qui s’en souciait vraiment avant que la nouvelle administration ne décide, sans détours, de révéler au grand jour ces chiffres aussi embarrassants qu’éloquents ?

Cette audacieuse transparence du nouveau régime, que certains pourraient qualifier de symbole de renouveau, suscite néanmoins l’inquiétude des détracteurs, qui présagent un cataclysme économique, parfois avec une ignorance désarmante. Alors que les marchés financiers auraient scruté anxieusement cette révélation, des questions cruciales se posent : s’agit-il d’une opération-suicide ? Comporte-t-elle des risques non maîtrisables ? Le nouveau représentant du FMI au Sénégal aurait-t-il contredit le gouvernement ? Qu’en est-il de la Baisse de la notation du Sénégal par l’agence Moody’s, renseigné par le communiqué du 04 octobre du ministère des finances ? Et si cette transparence, en fin de compte, n’était pas le premier pas vers une réelle résilience économique et un avenir plus prometteur pour le Sénégal ?

Répondre à ces interrogations est l’objet de cette intervention.

 

D’abord, il est crucial de rappeler que dévoiler des chiffres aussi alarmants peut sembler une entreprise audacieuse, si ce n’est risquée. Les périls incluent, entre autres, une dégradation de la note de crédit par les agences de notation, une volatilité sur les marchés financiers, et une perte de confiance des investisseurs.

D’ailleurs, le récent communiqué de presse du ministère des Finances, annonçant la révision à la baisse de la note du Sénégal par l’agence Moody’s du 4 octobre 2024, semble conforter les prévisions apocalyptiques des pessimistes légendaires. En effet, Moody’s, fidèle à sa réputation, n’a pas tardé à réagir en abaissant la note du Sénégal de Ba3 à B1, avec une mise sous surveillance. Mais qu’est-ce que cela veut dire réellement ? Cette dégradation indique non seulement une augmentation du risque perçu par les investisseurs vis-à-vis de la solidité financière du pays, mais aussi des coûts d’emprunt plus élevés et des difficultés à attirer de nouveaux capitaux.

La mise sous surveillance signale, quant à elle, une vigilance accrue de l’agence concernant l’évolution de la situation économique et politique du Sénégal. Cela met en lumière les incertitudes qui pourraient affecter la confiance des investisseurs et la capacité du pays à attirer de nouveaux capitaux ou à refinancer ses dettes. Cette notation s’inscrit dans une logique de gestion du risque souverain, où Moody’s évalue la solvabilité du pays à l’aune de plusieurs critères clés, notamment le niveau de déficit budgétaire, la dynamique de la dette publique, ainsi que les perspectives de croissance économique et de recettes publiques. Une décision qui, à première vue, pourrait faire trembler les marchés financiers. Mais attendez, n’est-ce pas là une réaction attendue face à une révélation aussi brutale de la réalité ? Après tout, qui aime entendre que la situation est pire que prévu ? Personne, évidemment !

 

Cependant, un élément tout à fait contradictoire mérite une analyse plus poussée : l’émission réussie d’obligations assimilables du Trésor par le Sénégal, qui a attiré des offres de créances de 47 milliards de FCFA , soit bien au-delà des 35 milliards initialement demandés. Ce fait, survenu le lendemain de la conférence de presse du gouvernement ( le 27 Septembre ), montre que, malgré tous les défis, les investisseurs ont choisi de maintenir leur confiance dans la capacité du Sénégal à gérer ses engagements financiers, comme en témoigne le surplus d’offres reçues. N’est-ce pas là une preuve éclatante que la transparence, loin d’être un fléau, est en réalité une vertu précieuse ?

D’un point de vue théorique, cela peut être interprété à travers la théorie de la transparence financière et de la crédibilité gouvernementale. En exposant la réalité des finances publiques et en optant pour une stratégie proactive de gestion de la dette, les autorités sénégalaises ont sans doute rassuré les marchés en démontrant une volonté de réforme et d’amélioration à long terme.

Cette confiance persistante des investisseurs, malgré un contexte de risque accru, pourrait également s’expliquer par la distinction que ces derniers font entre un choc temporaire de crédibilité lié à la découverte de faiblesses structurelles et les perspectives d’amélioration future. La transparence et l’honnêteté dans la gestion publique, même lorsqu’elles révèlent des vulnérabilités, peuvent paradoxalement consolider la confiance à long terme en créant les conditions nécessaires à une meilleure gestion des risques et à la soutenabilité financière.

Ainsi, si la baisse de la note souveraine peut sembler préoccupante à court terme, elle ne signifie pas nécessairement une perte totale de confiance des marchés financiers dans la capacité du Sénégal à honorer ses engagements. Au contraire, la réaction positive des investisseurs du marché domestique de l’UEMOA à l’émission obligataire pourrait témoigner de la vertu de la transparence et de la gestion proactive des risques, qui, à terme, pourraient même renforcer la résilience économique du pays.

 

Un autre point de l’actualité, porté par une presse catastrophiste, est l’information selon laquelle le nouveau représentant du FMI au Sénégal aurait contredit le gouvernement en annonçant un déficit de 7,5 % avec un risque de surendettement modéré. Cette information est fausse et n’existe nulle part dans les sources officielles de l’institution, pourvu que celle-ci ne communique que par voie officielle. La source officielle la plus récente du FMI sur le Sénégal est le Communiqué de presse n° 24/329 du 12 septembre 2024, suite à la mission conduite par M. Edward Gemayel, au Sénégal du 5 au 12 septembre 2024. Ce communiqué ne fait que résumer les déclarations des équipes du FMI et ne s’aventure pas à annoncer des chiffres fantaisistes. Il est également précisé que les opinions exprimées dans ce communiqué reflètent celles des services du FMI et ne représentent pas nécessairement celles du Conseil d’administration du FMI. Et que sur la base des conclusions préliminaires de cette mission, les services du FMI rédigeront un rapport qui, sous réserve de l’approbation de la direction, sera présenté au Conseil d’administration du FMI pour examen et décision. M. Gemayel a d’ailleurs eu l’honneur de déclarer : « _En l’absence de mesures budgétaires supplémentaires, le déficit de l’administration centrale devrait dépasser 7,5 % du PIB, soit nettement plus que les 3,9 % prévus dans le budget initial, en raison de la baisse des recettes et de l’augmentation des dépenses consacrées aux subventions à l’énergie et aux intérêts publics.»

Et pour ceux qui s’étonneraient de la possibilité de passer d’un déficit de 10 % en 2023 à celui de 7,5 % en 2024 alors que les finances publiques se détériorent, il est bien dit que « le déficit de l’administration centrale devrait dépasser 7,5 % du PIB» et non « le déficit de l’administration centrale s’établirait à 7,5 % du PIB». Cette précaution de langage augure d’un déficit qui pourrait être en dessous ou au-dessus des 10 % dévoilés par le gouvernement. Les chiffres avancés par le Communiqué du FMI ne sont que des hypothèses, avec toute la prudence de langage que l’on connaît au FMI. Alors, arrêtons de créer des polémiques là où il n’y en a pas.

 

Quant aux stratégies de mitigation de ces risques et d’assainissement budgétaire, je ne vais pas m’y attarder ici, car l’administration a déjà ses recettes, dont les prémices ont été énoncées dans le communiqué du ministère des Finances du 4 octobre 2024. Néanmoins, ces stratégies peuvent faire l’objet d’un autre article dans les jours à venir. Restez à l’écoute !

 

Daouda THIAM, Econiste-chercheur. ✒️

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